La course au souffle

Cover FB

Accentuez l’expérience de lecture 
Suggestion de chanson : Destroy Myself Just For You de Montell Fish
Suggestion de verre de vin : Les Darons by Jeff Carrel Languedoc 2020

J’ai la tête qui tourne depuis son départ. Je compte chaque seconde qui remplit le vide de mon lit. Le bruit de l’horloge qui tourne, mes draps qui perdent son odeur. Les clés qui n’entrent plus dans la serrure. Le café qui ne goûte rien. La douche toujours froide. L’hiver devenu sédentaire. Les dernières raisons de se lever. La fuite qui est devenue permanente. Nous avons été ce qu’il y avait de plus beau. Je le sais. Mais on commence toujours à courir quand les choses sont belles. On a peur de tout briser. Peu importe le rythme.

 

Je me souviens de la première et de la dernière fois. Le même regard, le même désir, le même coup de foudre. Comment oublier nos envies partagées, ces nuits à redéfinir la vie en faisant l’amour, tous ces instants où nous disparaissions dans les vagues de notre sommeil léger. Nous étions toujours au bout de l’excitation, à se consumer comme au début. Parce que tout était vrai ensemble. La beauté de nous, c’était un grand sac rempli de soleil et de nébuleuses. Le monde entier entre mes mains.

 

Iel me manque. Son corps. Sa peau. Le bout de ses doigts. Ses lèvres se reposant sur mon pubis. Son sexe chaud, où je cache ma bouche mouillée. Ses coups de bassin qui m’étourdissent. Ses baisers qui fracassent mon palais à coup de langue. Ses cheveux qui chatouillent ma nuque. La sensation de chaleur au creux de mon ventre lorsqu’iel me regarde. Son souffle mêlé au mien, ses jouissances qui escaladent les miennes. Ses fesses qui claquent, craquant le silence de la chambre. Nos haleines haletantes, se retenant à l’un.e et l’autre, tout en plongeant profondément dans nos gorges. Nos cuisses huilées qui s’accrochent et qui glissent. Les sexes brûlés par les heures à se faire du bien. Le vertige qui envahit nos mémoires. Tous ces orgasmes qu’iel m’a donnés, en aimant mon ventre qui se repose sur le sien. Toutes ces imperfections que je partage qu’iel embrasse sans hésiter. Nos faces nues, à pleurer de honte tant notre bonheur était déconcentrant. J’ai un milliard de souvenirs pour parler d’iel. Il n’y a rien à oublier, nous sommes une vérité immortelle. 

 

Je sais que ce que nous voulions, ce qui était désiré, c’était bien plus grand que la vie. On s’abandonnait les yeux ouverts, les cœurs explosés par la lumière et le temps que nous essayions de rattraper avec nos paumes écorchées. Je sais qu’être en amour, c’est de toujours espérer plus quand on a déjà tout. Parce que c’est infini. J’avais la sensation de l’avoir cherché, de l’avoir trouvé. Un coup de vent qui m’a traversé de la tête aux orteils, prenant ma cage thoracique au vol. Notre rencontre était douce comme le printemps. Nous avions tout ce qui était nécessaire pour être le meilleur des amours. Et moi j’ai attendu de trouver cette sensation pendant des années, j’attends encore, je veux encore l’attendre. On échappe toujours ce qui est fragile et beau. C’est le syndrome de perdre le contrôle devant ce qui est vulnérable.

 

Quand je cours, je regarde derrière moi pour savoir si iel me suit. Je vais à contresens, parce qu’il n’y a plus de raison d’être, d’aller de l’avant. Mes yeux sont ouverts, mais je ne vois plus rien. Si je pouvais tout recommencer, je le ferais, sans hésiter, sans reculer, sans penser. Juste pour se donner une autre chance. Je dois réapprendre à respirer, reprendre mon souffle. Arrêter de faire des adieux une habitude. Alors je cours, je cours encore et je cours toujours plus vite. Iel me retrouvera à bon rythme.

 

Au sien.